jeudi 10 octobre 2013

Chute

"Paul, tu vois je suis à bout, je n'y arrive plus..."

J'essayais de faire comprendre l'inacceptable à mon agent depuis plus d'une heure. Il m'avait vu écrire, ces dix dernières années, avec tant de ferveur, que l'on aurait dit que je lui demandais de "me débrancher", comme si j'avais été un malade sous assistance respiratoire.

"C'est le mont Ventoux qui te manque ? Dis moi. J'annule ton déplacement au Mans, on envoie Agnès sur le salon et tout reprendra le cours normal de la vie..."

Que pouvait-il savoir de la vie ? Lui qui chiffre tout et vendra bientôt des livres au poids. Il but mon café sans même sans rendre compte, tellement l'énervement le gagnait. L'envie que j'avais eu de lui faire lire la lettre m'avait définitivement quitté.

Il laissa échapper : "Tu sais sur ton dernier passage télé, tu étais parfait. Cette manière que tu as de défendre tes livres, exploiter les médias...tout quoi!"

Il avait dit "quoi" comme je le prononce souvent en fin de phrase, je n'en revenais pas. Qu'il utilise toujours le mot "exploiter" m'avait fait dresser les poils sur les bras. Il s'en rendit compte et maladroitement, pensant que j'avais froid, me tendit sa veste trop grande pour moi. Après le cauchemar de la nuit passée, je refusais son geste, sans ménagement.

Alors dépité, il finit par lâcher : "Rentre chez toi, tu vas tomber malade". 

En parcourant une partie du boulevard de Belleville, de la terrasse du café à mon appartement, je repensais à toutes ces années que j'avais donné aux mots. Aujourd'hui je n'en trouvais pourtant aucun pour me sortir de moi, me sauver.  

Alors j'essayais ceux que j'avais prononcés sur ce plateau télé. Les avait-elle entendus ? Quand j'avais évoqué qu'un écrivain peut toujours s'inspirer de fait divers, jusqu'à une lettre anonyme, pour écrire un nouveau roman, avait-elle pensé à la sienne ? Etait-elle vexée que je dise anonyme puisqu'elle l'avait bel et bien signée ?



2 commentaires:

  1. Jour après jour, j'en attends toujours plus. Que nous réserve demain ?
    Quand je pense qu'une simple réponse, nous aurait éviter ce tourbillon sans fin...

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  2. Que nous réserve demain ? Tu n'avais pas de RTT à poser aujourd'hui la Baronne pour t'embarquer dans de tels questionnements ?
    Si tu veux savoir mon programme pour demain et bien, j'ai coiffeur, une conférence sur l'acoustique et si David me rappelle ce sera vertiges horizontaux, je suis trop nulle au Scrabble à ce qu'il parait ;)

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