samedi 12 octobre 2013

Eblouissement


J'arrivais dans le parc de la Tour de Gassies ce jour là, quand on m'avertit qu'une nouvelle patiente m'attendait. 

J'étais en retard. Tandis que des corps ralentis par la douleur déambulaient sous les arbres, je me garais en toute hâte. Je déteste que la première impression que l'on ait de moi soit celle d'un homme pressé. Mais tant pis. Il était trop tard maintenant pour s'en inquiéter.

Je m'appelle David. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être kiné. 

Ma devise est une citation de Tchekhov :"Je considère que l'état normal d'un homme est d'être un original." Elle est affichée dans mon cabinet et suscite souvent le tout premier sujet de conversation que j'ai avec mes malades. Et bien plus d'émotions finalement, que ce tableau couleur orages d'été que Catherine Barthélémy a peint pour moi.


Des patients, les routes meurtrières de France m'en amènent deux à trois par semaine. Inlassablement, je les accompagne à réinventer leur vie, après un drame.


Mais ce jour-là, le choc était pour moi. En moins d'une seconde, je ne sais pas pourquoi, je me suis dis en la voyant, assise dans la salle d’attente : cette femme est à moi. 



Sous le coup de cette belle évidence et malgré les différents adages "un homme marié est un homme fidèle" et "no sex in job", je m'approchais d'elle.



Du "suivez-moi, je vous prie" à "oh oui ! je vais te baiser comme une reine!", il n’y avait que quelques mètres, de la salle d’attente à ma salle de consultation.


Pourtant, face à moi, Isabelle refusa de me tendre la main.

Je n'y vis pas de sa part une muflerie féminine et j'aime d'ailleurs que l'on me résiste. 

Elle devait prendre de la morphine, comme tout le monde ici. Sa réaction était d'ordre chimique. Je connais bien cela. 



Je suis consommateur moi-même, depuis longtemps, à la suite d’un accident qui me fit perdre l’usage d’une de mes jambes. Depuis je claudique, canne en main. Cela fait, parait-il, tout mon charme.


Pour faire face et espérer être à armes égales avec elle, je décidais de lui parler de Talleyrand, le diable boiteux et de son échange avec une séductrice borgne.

"Comment marche les affaires ?" lui avait-elle dit. "Comme vous voyez!" avait-il répondu.


Je compris au rire qu'elle me renvoya, mettant une main sur un oeil, que nous allions vivre ensemble quelque chose de très fort. 










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